Pourquoi lire Tout le bleu du ciel ?

• Le livre : 838 pages de bonheur, d'instants suspendus et de moments durs à traverser. Publié en 2019 par l'autrice Mélissa Da Costa, il est son premier roman en librairie. Elle figure au palmarès du Figaro des auteurs français ayant le plus vendu de livres en 2020.

• Le genre : roman d'amitié, d'amour, de voyage et d'introspection. Parfait pour avoir l'esprit rempli de belles images et le cœur plein d'émotions

• Le style : très facile à lire. Le narrateur est externe et omniprésent, il a accès aux pensées des personnages, de telle façon que l'on pense que ce sont eux qui parlent. Le style n'est pas très marquant, plutôt descriptif, parfois poétique, même si ce sont surtout les moments décrits qui le sont. 

L'histoire

"Petitesannonces.fr : Jeune homme de 26 ans, condamné par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) d'aventure pour partager avec moi ce dernier périple."

Le roman de Mélissa Da Costa suit l'aventure d'Émile, jeune homme à qui il ne reste que deux ans à vivre, condamné à perdre la mémoire et ses capacités respiratoires. Il décide de quitter sa vie de citadin, son meilleur ami et sa famille pour partir et vivre le voyage dont il a toujours rêvé, dans un camping-car, direction les Pyrénées. À sa grande surprise, une personne répond à son annonce : c'est Joanne, une jeune femme silencieuse, qui ne donne pas les raisons de sa venue. Le roman suit alors leur avancée, notamment à travers les pensées d'Émile, perturbé par sa compagne de voyage, petit bout de femme qu'il prend d'abord pour une folle. Progressivement, les deux s'apprivoisent et le lecteur apprend aussi à connaître leur passé et leurs traumas.

Une connexion inattendue et riche

J'ai acheté ce livre d'abord parce qu'on me l'a conseillé, ensuite parce que c'est l'été. Je n'ai pas été déçue, il est plutôt épais en format poche mais je l'ai dévoré, et cela d'abord parce que j'ai été portée par la connexion que tissent lentement Émile et Joanne. Ce sont des personnages tout à fait opposés : Joanne était gardienne dans une école dans laquelle elle habitait avec son père (et elle adorait son travail). Elle n'a jamais quitté son village breton. Émile, quant à lui, avait un job dans une start-up qu'il n'aimait pas particulièrement et sortait d'une longue relation amoureuse avec une femme aux antipodes de celle avec qui il s'apprête à vivre le reste de son existence. Leur rencontre donne lieu à des échanges et des apprentissages d'une richesse inouïe.

Le fait qu'ils aient tous deux décidé de vivre ensemble, dans une petite caravane pour le temps de vie restant à Émile, rend propice le développement d'une complicité, d'un silence propre à des amis de longue date, de discussions uniques et surprenantes. A deux, ils se révèlent et s'élèvent, se rapprochent de leur vérité, celle qui les a poussé à partir, celle qu'ils ont fui.

Son visage est baigné de la lueur dorée du coucher de soleil, ce qui accentue encore l'irréalité de la situation. Émile songe : cette fille est un poème.

Face à la beauté du monde, une invitation au voyage intérieur

Sur la route, Joanne et Émile traversent des montagnes magnifiques, assistent à de sublimes couchers de soleil, passent par des villages remplis de charme et d'histoire. Tous les lieux qu'ils découvrent font rêver. Mais ils sont plus que cela : ils permettent aux personnages de se recentrer, de relativiser leur vie, leurs problèmes et de dévoiler ce qu'ils ne pouvaient pas voir avant. Le personnage de Joanne incarne par ailleurs cette idée de voyage intérieur, d'introspection et de retour à l'instant présent. Elle est un puits de savoir pour Émile qui lui permet d'apprendre beaucoup sur lui-même. La méditation en pleine conscience, par exemple, a une place centrale, qui m'a beaucoup touchée. Que l'on soit nouveau face à la pratique (comme Émile) ou déjà initié (comme Joanne), leurs discussions à ce propos nous rappellent à quel point elle peut faire du bien, à quel point respirer, laisser passer nos pensées et s'ancrer dans l'instant présent est nécessaire.

L'effort physique permet au mental de totalement lâcher prise. Les pensées se succèdent en tourbillon, mais un tourbillon calme et serein. À certains moments on est à peine conscients qu'on pense. Il y a des souvenirs qui remontent tout doucement, qui s'imposent sans provoquer d'émotions douloureuses. On les regarde avec une certaine distance et avec bienveillance.

Ce que j'en ai pensé

Je me plongeais dans le roman dès que j'en avais l'occasion, le matin en prenant mon petit déjeuner, des après-midis entiers dans la fraîcheur de la maison, en quelques jours je l'avais fini. Ce qui est bien, c'est qu'on le dévore mais qu'on ne se sent pas coupable de le finir vite car le voyage est long. J'ai adoré voir se développer la relation d'Émile et Joanne, qui rend compte d'un processus familier à tous les humains : les préjugés que l'on peut porter dans un premier temps, les détails que l'on remarque et commence à apprécier chez l'autre, découvrir plus profondément ce que la personne aime, ce qui l'influence, les personnes importantes dans sa vie, son passé, sans encore avoir le portrait complet de la personne rencontrée.

Ce livre m'a renvoyé à moi-même aussi, Émile étant un personnage auquel on peut facilement s'identifier et qui ne cesse d'apprendre. On s'attache aussi aux personnages que le curieux couple rencontre sur la route, j'ai ri et vécu auprès d'eux, le temps d'une escale. Enfin, tout n'est pas positif, la maladie a évidemment son rôle : Émile perd de plus en plus la mémoire et Joanne doit faire face à tous ses doutes, à la souffrance que cela lui renvoie et à la responsabilité qu'elle a engagée auprès de son compagnon de voyage. De nombreux passages sont durs, pourtant, la morale est pleine d'espoir et le voyage en vaut le coup.

A l'image de cette citation de Confucius : "Le plus grand voyageur est celui qui a su faire une fois le tour de lui-même", nos deux personnages n'auraient sans doute pas pu faire plus le tour d'eux-même qu'ensemble, loin de ce qui les raccroche au passé, bien que celui-ci ne quitte leurs pensées.

La vie n'en a jamais terminé. Il l'a bien compris. Tant qu'il décidera qu'il n'est pas mort, elle continuera de lui jouer de drôles de tours. Et il n'est pas encore mort. Au contraire. Il ne s'est jamais senti aussi vivant.

Bien que l'histoire soit un peu cousu de fil blanc, j'espère vous avoir prouvé l'intérêt de sa lecture.