Falling out of love

19/06/2023

Falling out of love ou comment le concert de ma vie m'a laissé un goût amer

Le jeudi 1er juin 2023, à 21h20, Harry Styles a débarqué sur la scène du Stade de France, après une longue journée d'attente. Rien que d'y penser, j'ai envie de pleurer. Le problème ? J'en suis incapable. C'est un poids sur le cœur qui ne veut pas partir : pas assez lourd pour déclencher les larmes, pas assez insignifiant pour que je puisse laisser passer l'émotion. Pourtant, c'est bien ce qui manque, l'émotion.

L'histoire d'un rendez-vous manqué

Tout le monde hurle, j'essaie de l'apercevoir par-dessus les têtes et les téléphones, j'ai beaucoup de mal mais je ressens une poussée d'adrénaline et je suis à deux doigts de pleurer. Il est là, en chair et en os, j'ai enfin la preuve qu'il existe au-delà de l'écran de mon téléphone. Seulement, ce flux d'émotion est temporaire, et mon idole est loin. On est serré.e.s dans la fosse, il faut beaucoup lever la tête pour distinguer la silhouette du chanteur et puis le public (dont moi) gueule les paroles de la chanson, par-dessus sa voix. Il y a comme une course qui s'installe à partir de ce moment, où tout passe à la vitesse de l'éclair.

Pour être tout à fait honnête, l'attente dure depuis bien plus longtemps que 9h ce matin (oui, on a attendu la journée entière à cramer au soleil sur le trottoir à l'extérieur du stade). En réalité, c'est depuis le 1er septembre 2022 que l'on patiente, jour de prévente des billets. Mon état d'excitation à ce moment-là était tellement intense, je n'arrivais pas à y croire : Harry venait de finir sa tournée aux États-Unis, qu'il avait enchaîné après celle en Europe, et déjà, il annonçait son retour, cette fois-ci uniquement dans des stades. Le mec ne s'arrête jamais. Mais le plus fort, c'était qu'on avait déjà essayé d'avoir des places pour Bercy, mais ça avait été impossible, l'arena était déjà remplie des personnes qui avaient pris leur place avant le confinement.

Après deux ans de fanitude absolue, j'étais absolument certaine que le voir en vrai, en concert, serait la soirée de ma vie, celle que je n'oublierai jamais, que je ne pourrai pas m'en remettre et que je voudrais en parler en boucle (ce que je faisais déjà à propos d'Harry jusqu'alors). Se rendre compte que l'on est plus vraiment obsédé par la personne dont on est fan ; que l'on ne veut plus autant partager ce qu'elle produit ; à quel point on l'admire ; à quel point elle est belle dans ce dernier photoshoot ; à quel point sa musique nous touche ; à quel point on est excité de la sortie de son prochain album et qu'on ne peut cesser d'y penser, jours et nuits, tout le mois précédant la date de sortie ; prendre conscience que ce qui était devenu normal n'est plus, ça fait mal.

Les mois précédant le concert, je sentais et je remarquais dans mon comportement que j'étais moins intéressée, moins excitée, moins fan. Cependant, je pensais tout de même que le voir pour de vrai ravivrait la flamme, que mon obsession continuerait encore un peu, justement parce que la rencontre serait puissante.

Ici encore se sont mêlés de nombreux facteurs : je m'étais bien trop projetée dans ce concert (exemple : je pensais que je regarderais en boucle les vidéos prises, que je mettrais en fond d'écran une photo du concert, peut-être une belle que j'aurais prise de lui), ensuite j'avais déjà vu des heures de vidéos de concert, je connaissais les arrangements musicaux, les pas de danse exactes pour chaque chanson, les mots précis qu'il dit à chaque fois. Enfin, la réussite d'un concert réside aussi dans ce que partage l'artiste : nous étions deux à nous dire "il avait l'air de se sentir bien, mais pas non plus au top", tout donnait l'impression d'un peu d'automatisme, et de peu d'émotions. Nous aurions aimé qu'Harry ait l'air touché, qu'il prenne plus son temps : c'est à la fois le manquement d'un rendez-vous, et l'impossibilité pour un artiste de connecter avec une audience aussi grande. Nous avions beau être proches, il me semblait loin, autant physiquement qu'émotionnellement.

J'avais trop d'attentes, mais plus encore que des attentes, j'avais des certitudes sur ce que ce concert allait me procurer, à tel point que je n'ai pas réussi à profiter.

Dans ces cas-là on dit souvent qu'on est passé à côté. Comme pour un film qui marche bien et que tout le monde conseille, mais que l'on n'a pas particulièrement aimé. Je savais qu'Harry était un incroyable performer, mais je le connaissais déjà trop. Malheureusement, les réseaux sociaux n'ont pas que du bon : c'est à la fois ceux qui ont maintenu la flamme dans ma fanitude obsessive, mais aussi ceux qui en ont gâché le plaisir. À voir du contenu tous les jours, des vidéos edit, des archives, des réactions, je m'étais faite une idée précise de ce que la communauté de fans était, et de qui était Harry (bien que je sois consciente que ce n'est qu'une image, une tranche de vérité, trop simple et pas assez complexe pour être lui réellement). Cette idée avait dépassé la réalité.

Je crois que c'est en partie la raison pour laquelle j'ai été déçue. Mais il n'y a pas que ça.

Le lendemain et les jours suivants, je vivais avec l'étrange sensation que j'avais été dépossédée de mon expérience. Comme si on m'avait arraché l'exclusivité et l'intimité de la relation que j'entretenais avec celui dont j'étais "tombée amoureuse". A cela s'est ajouté de la jalousie, évidemment : les personnes qui étaient au stade de France le deuxième soir ont eu le droit à un Harry qui semblait plus à fond, et surtout à deux chansons en plus, adorées par les fans (et par moi évidemment), qui ne font pas partie de ses albums.

Reconsidérer les relations parasociales

Relation parasociale : type de relation sociale à sens unique dont une personne peut faire l'expérience vis-à-vis d'une personnalité publique ou d'un personnage de fiction.

Je disais dans mon article « Être fan, ça fait quoi ? », en reprenant les propos de Clara dans sa vidéo Pourquoi tout le monde déteste les fangirls ?, que si un jour il m'arrivait de ne plus aimer ce que mon idole produisait, ou que je ne validais plus ses propos, je saurais le laisser partir. Mais je me rends compte maintenant que c'était une vision bien trop idéaliste de ce type de relation.

En effet, je me sens intimement impliquée dans les faits et gestes de l'artiste que je suis, il me procure des émotions fortes, qui ne sont pas imaginaires : elles existent et ont du sens pour moi. Il apparaît donc quasi impossible que le processus de détachement de la personne dont je me sentais si proche et dont j'étais si admirative, ne soit pas un peu douloureux.

Harry Styles a véritablement fait partie de ma vie, de mes pensées, de ma personnalité et de mon identité pendant deux ans, très intensément (je dis bien "une partie", mais c'était une partie que je valorisais beaucoup). Pourtant, j'ai récemment remarqué que je lui trouvais des défauts, alors que je pense que le concept même d'une relation parasociale est que la personne dont on est fan nous semble parfaite, puisque c'est une relation choisie (dans une certaine mesure), safe et à sens unique.

Une relation parasociale réside-t-elle vraiment dans le fait que notre idole est parfaite ?

Aujourd'hui, afin de vivre cette période au mieux, et parce qu'elle me déstabilise, je me pose beaucoup de questions :

  • Comment gérer la baisse d'attachement, d'émotions fortes ?

  • Est-ce que mon obsession était anormale, est-ce que lorsque j'étais complètement fan ce n'était pas sain ?

  • Pourquoi c'est si dur de voir ce changement s'opérer en moi ?

  • Dans quelle mesure dois-je renoncer à une partie de ma personnalité ?

  • À quel point Harry m'a-t-il apporté ?

  • Comment dire au revoir à une partie de moi ?

Falling out of love

J'en suis venue à la conclusion que mon expérience se rapprochait du fait de Falling out of love (qui n'a pas de bonne traduction française), comme dans une relation romantique "classique". J'ai donc été lire sur le sujet, et voici ce qui a raisonné chez moi.

Extrait de l'article Falling Out of Love: Is Your Relationship Doomed? :

Lorsque l'amour commence à s'estomper, avant même de faire face à la perte potentielle de la personne avec qui nous sommes ou de la relation que nous entretenons, beaucoup d'entre nous pleurent la perte de quelque chose à l'intérieur d'eux-mêmes. Se désintéresser de l'amour, c'est comme perdre une partie de soi qui était autrefois illuminée. C'est l'un des processus les plus douloureux à endurer. Non seulement nous perdons quelque chose de précieux, mais nous sommes également pris dans le mystère qui entoure cette perte. La période au cours de laquelle nous réalisons que nos sentiments ont changé est souvent marquée par la confusion. Qu'est-il advenu de l'enthousiasme et de l'admiration qui nous animaient autrefois ?

Extrait de l'article What to do if you fall out of love : découvrir quelle nouvelle partie de moi tente de faire surface.

Lorsque nous ne sommes plus amoureux de notre vie, c'est souvent parce que nous sommes prêts à changer. Mais la transformation ne se produira pas tant que nous n'aurons pas décidé consciemment qui nous voulons devenir. Il ne m'a pas suffi de déterminer ce qui me retenait, j'ai également dû comprendre comment je voulais aller de l'avant. J'avais besoin de développer une colonne vertébrale. Apprendre à me défendre et à défendre mes valeurs.

Qui voulez-vous devenir ?

Analyser des sentiments

Je me demande si je suis prête à aller de l'avant. À laisser de côté ce soutien moral qu'Harry Styles a représenté pour moi tout ce temps. Toujours dans mes pensées, le fait de l'aimer m'a rassuré, m'a aidé à définir mes valeurs, a participé à ma construction d'adolescente et de jeune adulte, et m'a libéré des barrières qui m'empêchaient d'être complètement moi-même.

Il est donc apparemment temps que je fasse route seule, toujours définie par ce que j'aime et celleux que j'aime, mais d'abord par qui je suis sans attributs ni étiquettes.

En fait, il est peut-être temps d'être fan autrement, même si je sais que cela va demander un peu de travail.

Voilà comment j'ai cherché à expliquer pourquoi je n'étais plus obsédée par Harry comme au début (même si cela reste une façon de rationaliser quelque chose de très émotionnel) :

Trouver sa place

Est-on obligé d'être absolument obsédé.e pour être fan ? Bien qu'il soit douloureux de quitter une communauté qui montre toujours plus son enthousiasme pour une personnalité que l'on a idolâtré de la même manière, et de sentir le décalage grandir, il est peut-être temps de se rendre compte que toustes les fans ne sont pas constamment dans cet état euphorique.

Cet article est inspiré de nombreuses lectures et réflexions qui m'animent actuellement, si vous aussi vous aimez vous poser des questions sur des trucs qui vous arrivent, ou sur le monde qui vous entoure, voici deux recommandations :

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